<aside> 💡 Nous estimons qu’une section dédiée à ce sujet est nécessaire, car il infuse chacune des étapes de la chaîne de valeur : la production, les ressources internes, le produit et la représentation / communication de la marque.

Les enjeux autour de l’appropriation culturelle sont encore très mal compris par les marques de mode, qui se font régulièrement interpeler à ce sujet. Il nous semble donc judicieux de donner des clefs de compréhension méthodologiques.

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“Le terme d’appropriation culturelle date des années 70, on en parlait déjà au sein des cultural studies dans un paysage plutôt anglo-saxon. Il a aussi fait son apparition dans les études “postcoloniales”, avec le black feminism dans les années 80-90. Il est revenu de façon plus concrète dans les années 2000 et devient courant par l’intermédiaire des réseaux sociaux comme le compte Diet Prada dès 2013. En 2020, “l’effet” Georges Floyd a été très puissant, d’une certaine façon, il a permis d’internationaliser encore plus les questions de diversité et d’inclusion.” Khémaïs Ben Lakhdar

Quels sont les contours de la notion d’appropriation culturelle ? Quels en sont les points clés ? Comment identifier et donc éviter ce comportement en tant que marque de mode ?

Qu’est-ce que l’appropriation culturelle ?

L'appropriation culturelle se réfère à l'acte d'adopter, d'imiter ou de s'approprier des éléments spécifiques d'une culture, souvent minoritaire ou marginalisée, par une culture dominante.

Dans le contexte de l'industrie de la mode, l'appropriation culturelle se manifeste notamment par l'utilisation non consensuelle, non respectueuse et souvent lucrative des Savoirs Traditionnels (ST) et des Expressions Culturelles Traditionnelles (ECT) appartenant à des communautés autochtones et locales.

Cela soulève des préoccupations éthiques, car cette pratique peut contribuer à l'effacement de l'authenticité culturelle, à la commercialisation indue de symboles culturels, et à la négligence des implications historiques et sociales de ces éléments.

<aside> 📢 Les Savoirs Traditionnels (ST) représentent la sagesse, le savoir-faire et les pratiques transmises par les communautés autochtones et locales, jouant un rôle essentiel dans la construction de leur identité culturelle. Toutefois, cette richesse convoitée par l'industrie de la mode soulève des préoccupations d'appropriation culturelle.

*Exemple : l'art de la broderie artisanale, souvent transmis de génération en génération au sein de communautés spécifiques. Les artisans qui maîtrisent cet art peuvent créer des pièces uniques, souvent chargées de significations culturelles profondes. L'utilisation de la broderie traditionnelle dans la mode permet de préserver et de célébrer ces compétences artisanales tout en intégrant des éléments culturels dans des créations contemporaines. Cependant, il est crucial de respecter les origines de cette pratique et d'obtenir un consentement éclairé pour éviter l'appropriation culturelle.

Robe zapotèque brodée de façon artisanale, par des femmes, au Mexique. Image : Diego Huerta*

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<aside> 💡 Les Expressions Culturelles Traditionnelles (ECT) trouvent leur forme dans la créativité tangible et intangible des communautés. Mais l'exploitation commerciale, particulièrement par l'industrie de la mode, menace l'histoire et le patrimoine culturel. La préservation de ces héritages nécessite une approche respectueuse et équitable.

Exemple : les motifs traditionnels de tissage, souvent transmis de génération en génération, peuvent être incorporés dans la conception de vêtements. Ces motifs, qu'ils soient issus de tribus indigènes, de groupes ethniques spécifiques ou d'autres communautés, portent souvent une signification culturelle profonde. L'incorporation respectueuse de ces expressions culturelles dans la mode permet de célébrer et de préserver ces éléments tout en sensibilisant au riche patrimoine culturel qui les sous-tend. Cependant, il est essentiel de veiller à ce que cela se fasse avec le consentement et la reconnaissance nécessaire pour éviter l'appropriation culturelle.

Dans l’atelier familial de Naty Image : Le Petit Dakarois Représentation des fleurs d’hibiscus offertes aux jeunes mariés.

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Eric Fassin, sociologue, identifie l’appropriation culturelle “lorsqu’un emprunt entre les cultures s’inscrit dans un contexte de domination” (Le Monde).

Rodney William, docteur en sciences sociales, apporte quant à lui un éclairage supplémentaire dans son livre L’appropriation culturelle (2020): ”Chaque fois que l’on confond appropriation culturelle et échange culturel, on oublie que dans le premier cas il n’y a pas de réciprocité, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’échange d’expériences, de partage entre les groupes. L’échange culturel ne présuppose pas la présence d’un dominant. L’appropriation est donc marquée par la soumission d’une culture systématiquement opprimée et les stratégies sophistiquées du racisme.

Comment se matérialise-t-elle ?

Dans l'industrie de la mode, l'appropriation culturelle peut se matérialiser sur toutes les étapes de la chaîne de valeur, de la conception à la commercialisation.